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La perception comme moyen de connaissance
I.
Le Préjugé du monde 1. ¾ Le Monde objectif ¾
Penser le monde est une chose, le vivre, une autre. Le
monde peut être construit, constitué petit à petit – c’est la tâche
que s’est donné la pensée scientifique- dans l’espérance de le
connaître un jour dans sa complétude. Mais
bien sûr, chacun sait qu’on ne peut prétendre connaître le monde
totalement, qu’il est inépuisable – il suffit de donner l’exemple
de l’exploration de l’infiniment grand, l’infiniment loin,
l’infiniment petit, dans l’astrophysique - et que la science,
patrimoine reposant sur des générations de chercheurs géniaux, repousse
toujours les limites de l’intelligible sans jamais les atteindre. Qu’est-ce
qu’un monde objectif ? C’est un monde rêvé à la troisième
personne, c’est-à-dire avec un certain recul, en dehors de tout point
de vue particulier. C’est un monde qui répond à des lois indépendantes
de toute personnalité, individualité, qui devient un modèle, une
conception vérifiable. En un mot un monde théorisé, sans surprise, que
la pensée contemple. Cette objectivité voudrait tout expliquer, tout
comprendre, tout survoler… Et
pourtant cette pensée, cette connaissance du monde en général repose
sur le sensible : le monde, avant d’être pensé est vécu,
ressenti, perçu. La
science ne considère pas la
perception comme un moyen de connaissance, car elle ne suffit pas pour
expliquer les phénomènes, étant elle-même considérée comme un phénomène,
au contraire le doute sera toujours mis sur la perception, sur les sens,
seule la pensée peut par sa réorganisation du sensible faire apparaître
un sens. Le sensible est donc isolé, étudié en laboratoire, il se prête
à des expériences, ce qui compte ce sont les conclusions, les
explications rationnelles que l’on en fait. Autrement dit il n’y a
plus de véritable sensible, car il n’y a personne pour l’éprouver
directement : à l’homme, au sujet, se sont substitués la théorie,
le concept. Nous
vivons dans un monde, mais quel est-il réellement ? Toute la
connaissance objective, scientifique demeure insuffisante devant l’évidence
d’un monde que l’on voit tous les jours, où le soleil continue de se
lever, où les étoiles resplendissent dans la nuit, où les arbres
s’agitent dans le vent. On peut même dire que plus on croît connaître,
plus on met en œuvre des technologies toujours plus avancées pour
comprendre la nature, le monde qui nous entoure, plus l’écart se
creuse, plus l’évidence du monde sensible garde son mystère. Le
monde objectif, c’est tout ce que l’on connaît sans se replacer à
chaque fois dans le sensible, sans en refaire l’expérience, on fait
l’expérience une fois pour toutes, ou quelqu’un la fait à notre
place, il s’agit donc d’un monde admis, culturel, construit. Pourtant
le monde est là, impénétrable dans son évidence et notre perception
n’a pas disparu, est toujours accessible, à disposition. Il semblerait
donc qu’elle nous invite à en
faire l’expérience quotidienne, à le voir toujours à l’état
naissant, à ne jamais cesser de le découvrir plutôt que d’en avoir
une idée toute faite, admise et constituée. Autrement notre perception
ne nous servirait qu’avant de pouvoir formuler des concepts ou des idées
sur le monde, c’est comme dire que je perçois vraiment le soleil quand
je le vois pour la première fois mais dès que j’ai acquis un savoir à
son sujet la perception que j’ai de lui est voilée par l’idée que je
m’en suis fait. J’ai admis le concept « soleil » et je ne
vais plus m’attarder à le regarder. Il est devenu un signal, un repère ;
comme beaucoup d’autres choses ! Je
crois percevoir toujours le même
monde, mais la représentation que je m’en fais change constamment, elle
se construit, s’affine par mon savoir, ma culture ou par la technique.
En définitive, ce que l’on appelle le monde objectif, est une pure représentation,
comme une carte routière ou une mappemonde si l’on veut, qui s’affine
avec le temps, les découvertes successives. On cherche à visualiser le
monde de façon globale, à en avoir une image synthétique.(1) Mais
c’est toujours la même chose qui ressort, pour cartographier le monde réel,
il faut s’en extraire – à l’image du cliché par satellite ou de la
radiographie - être à
l’extérieur, ne plus y participer, se « deshumaniser »,
interposer un écran de technique entre nous et le monde. Les
yeux ne suffisent plus pour voir le monde, il faut la photographie, la télévision,
le satellite, le télescope, le microscope électronique…et pourtant il
s’agit toujours des yeux, mais ils sont un point d’arrivée, non plus
un point de départ. Alors,
on va se demander : et l’individu dans tout ça ! Je suis au
monde, je perçois les choses, je me perçois, est-ce que je vais attendre
que l’on m’explique ce
qui est ou est-ce que je vais vivre
tout simplement ? « Tout
ce que je sais du monde, même par science, je le sais à partir d’une
vue mienne ou d’une expérience du monde sans laquelle les symboles de
la science ne voudraient rien dire…Le monde est non pas ce que je pense,
mais ce que je vis, je suis ouvert au monde, je communique indubitablement
avec lui mais je ne le possède pas, il est inépuisable. » (2) Le
monde objectif, la science, suppose le sensible et le sensible suppose
celui qui sent, c’est-à-dire l’homme dans sa chair, dans son
incarnation. « Revenir aux choses mêmes, c’est revenir
à ce monde avant la connaissance dont la connaissance parle toujours, et
à l’égard duquel toute détermination scientifique est abstraite, et dépendante,
comme la géographie à l’égard du paysage où nous avons d’abord
appris ce que c’est qu’une forêt, une prairie, ou une rivière…»(3)
_________________________________________________ (1)
Régis Debray, Vie et mort de l’image : « Les nouvelles prothèses
de vision, en démultipliant notre information, accroissent nos facultés
d’intervention sur l’environnement et notre surface de contact sur
l’univers. Dotés désormais d’une vision omniscope,
nous pourrons aussi explorer le hors-d’atteinte sans y allez et
programmer le futur avant d’y être. La microscopie descend à 1 /10000
de millimètre. Et la macroscopie a gagné d’autant de facteurs via les
satellites d’observation. Rayons X, infrarouges, rayons gamma nous
avaient déjà fait passer au- delà des longueurs d’onde du visible.
L’optronique et ses caméras thermiques permettent à un conducteur de
char, un pilote d’avion, un servant de bazooka, de voir dans la nuit,
sans être vus. L’échographie par ultrasons, permet de visualiser en
trois dimensions un crâne ou un bassin. L’imagerie par résonance magnétique
(I.R.M) permet d’entrer dans les tissus, les cellules, les neurones… »
(2)
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception (3) Idem
2.¾ Le Monde culturel ¾
Nous
parlions de la science et de ses concepts, mais la culture est le premier
organe conceptuel, elle exerce une prise, un certain pouvoir sur le monde
naturel à travers, principalement, le langage. Un monde pensé, ne
peut l’être sans langage. Pour simplifier, on pourrait dire que la culture est un immense moyen d’expression, ou que toute expression revêt une dimension culturelle. On peut se demander alors quel rôle joue la culture par rapport à la perception du monde, quelle dialectique entretient-elle avec le monde sensible. « On peut dire que la capacité de voir est à la mesure du savoir ou, si l’on veut, des concepts, c’est-à-dire des mots dont on dispose pour nommer les choses visibles et qui sont comme des programmes de perception. » (1) La qualité de la perception devient donc dépendante de la connaissance de la chose perçue, et percevoir une chose inconnue, c’est d’avance passer à côté de sa pleine signification. Autrement dit la perception seule, ne permet pas d’arriver au sens, elle a besoin d’être conditionnée par le langage. Il ne s’agit pas de la perception pure, immédiate, c’est-à-dire sans la médiation du langage, mais d’une perception orientée, pratique, apprise, de l’ordre de la signification, et pourtant cette perception immédiate il a bien fallu l’avoir un jour, mais on l’a oubliée ! (1) Bourdieu,
extrait de la consommation
culturelle Il est donc clair que la perception seule ne peut mener à la signification, et donc que là encore, la signification se présente extérieure au monde sensible qui n’est qu’une amorce, un point de départ. L’exprimé se distingue du moyen d’expression, il lui est extérieur. Une telle analyse, comme le dit Bourdieu lui-même, typiquement intellectualiste, réduit la portée du sensible et encense le pouvoir du langage, elle rejoint ce que l’on a vu plus haut avec la science. Notre perception est conditionnée sauf en ce qui concerne « la couche primaire de notre expérience existentielle ». Et bien c’est justement de cela que nous voulons faire l’éloge, dont nous voulons rétablir la réelle portée, si souvent évacuée, et retrouver par l’art un rapport au monde immédiat, pur, avant la signification ou du moins qui est sa propre signification. (1) Comprendre le monde c’est d’abord pouvoir le nommer. Mais si les mots ne suffisaient pas ? Nommer c’est aussi cristalliser, enfermer. Il y a un arbre devant chez moi, je le vois tous les jours, je m’y suis habitué, et pourtant le même arbre – que j’ai pu reconnaître comme arbre parce que j’ai vu d’autres arbres auparavant, et que l’on m’a dit : cette chose que tu vois, c’est un arbre – m’apparaît parfois différemment, je peux même le percevoir comme quelque chose que je ____________________________________________________ (1) Régis Debray,
Vie et mort de l’image ,
p 53 : « l’image fabriquée est datée dans sa fabrication,
elle l’est aussi dans sa réception. Ce qui est intemporel c’est la
faculté qu’elle a d’être perçu comme expressive même par ceux qui
n’en ont pas le code. » n’avais jamais vu ! « Est-ce vraiment le même arbre ? C’est incroyable la couleur qu’il prend, l’accord qu’il révèle avec ce ciel orageux, la puissance qu’il revêt sous cet éclairage… » Je ne peux plus dire c’est l’arbre en face de chez moi, c’est autre chose que j’ai perçu, et je n’ai su trouver les mots pour décrire ce que je ressentais ; si seulement j’avais été peintre ! « Quand je regarde rapidement les objets qui m’entourent pour me repérer et m’orienter parmi eux, c’est à peine si j’accède à l’aspect instantané du monde, j’identifie ici la porte, ailleurs la fenêtre, ailleurs ma table, qui ne sont que les supports et les guides d’une intention pratique orientée ailleurs et qui ne sont alors données que comme des significations. Mais quand je contemple un objet avec le seul souci de le voir exister et déployer devant moi ses richesses, alors il cesse d’être une allusion à un type général, et je m’aperçois que chaque perception, et non seulement celle des spectacles que je découvre pour la première fois, recommence pour son compte la naissance de l’intelligence et a quelque chose d’une invention géniale : pour que je reconnaisse l’arbre comme un arbre, il faut que, par dessus cette signification acquise, l’arrangement momentané du spectacle sensible recommence, comme au premier jour du monde végétal, à dessiner l’idée individuelle de cet arbre. »(1) Il faut donc réapprendre la langue de la perception, le langage du corps. Il ne s’agit pas pour autant d’ignorer le culturel, au contraire c’est par lui que nous revenons au sensible. Il est un point d’arrivé, le corps est un point de départ, c’est une voie de retour. Comme le soulignait plus haut Merleau-Ponty, l’expérience existentielle du monde est transcendante. Il paraît donc important de passer outre la dichotomie classique du sujet et de l’objet, du corps et de l’esprit, de l’expression et de l’exprimé, de la perception et de la pensée. Qu’est-ce qu’un arbre ? La question reste ouvert ___________________________________________________ « Nous sentons dans un monde, nous nommons dans un autre » regrettait Proust. Les mots, nous l’avons vu plus haut, sont souvent insuffisants pour exprimer nos sensations, car nous sommes conditionnés par le langage qui a mesure qu’il s’élabore privilégie la transmission d’un sens plus complexe, plus abstrait, plus tardif – région du sens du signifié. Le revers de la médaille, c’est justement de se sentir démuni lorsqu’il s’agit d’exprimer une sensation première, quelque chose de plus direct, de plus corporel. (1) Et pourtant « l’homme transmet et reçoit par son corps, par ses gestes, par le regard, le toucher, l’odorat, le cri, la danse, les mimiques et tous ses organes physiques peuvent servir d’organes de transmission ». (2) On pourrait voir dans cette gesticulation émotionnelle les premières ébauches du langage, car avant de nommer et d’une certaine manière de posséder, c’est le besoin d’exprimer qui apparaît primordial, ou du moins, le nom, à son origine, revêt une qualité expressive, corporelle, c’est ce que Merleau-Ponty appelle « l’essence émotionnelle du mot ». (3) C’est donc de l’expression dont il s’agit, exprimer coûte que coûte, chanter le monde, vivre… Ce qui relativise le langage, entendu comme une combinatoire de signes, le descend de son piédestal et le replace plus modestement parmi les moyens d’expression. On pourrait dire par exemple qu’ « il n’y a pas d’équivalent verbal d’une sensation colorée (4)… La couleur a un temps d’avance sur le mot, quelques milliers d’années sans doute. Que pèse un « cri écrit » face à un cri hurlé, angoisse ou gaîté brute, immédiate et pleine ? » (5) ________________________________________________________________ (1)
Régis Debray, Vie et mort de l’image : « la magie à volonté
fait l’infinie supériorité de l’homme d’image sur l’homme du
mot, cet handicapé de l’émotion. » (2)
Régis Debray, Vie et mort de l’image (3)
« les conventions sont un mode de relation tardif entre les
hommes, elles supposent une communication préalable, et il faut replacer
le langage dans ce courant communicatif. Si nous ne considérons que le
sens conceptuel et terminal des mots, il est vrai que la forme verbale –
exception faite des désinences – semble arbitraire. Il n’en serait
plus ainsi si nous faisions rentrer en compte le sens émotionnel du mot,
ce que nous avons appelé plus haut son sens gestuel, qui est essentiel
par exemple dans la poésie. On retrouverait alors que les mots, les
voyelles, les phonèmes sont autant de manières de chanter le monde et
qu’il sont destinés à représenter les objets, non pas, comme le
croyait la théorie naïve des onomatopées, en raison d’une
ressemblance objective, mais parce qu’ils en extraient et au sens propre
du mot en exprime l’essence émotionnelle. » (4)
Pour Cézanne,
« la couleur est le lieu où notre cerveau et l’univers se
rencontrent ». (5)
Régis Debray, Vie et mort de l’image L’image est une pensée, une pensée muette. On
dit que « les anciens » pensaient en images, à une
époque que l’on pourrait définir comme « l’enfance du signe » ;
l’image est contemporaine du cri, d’un langage organique, émotionnel
qui apparaît avant l’abstrait, le concept, la science, et c’est ce
qui fait sa puissance, ce qui fonde sa valeur expressive, ce qui
entretient sa pérennité . Poussin définissait son métier comme « art faisant profession de choses muettes », c’est dans ce silence de la peinture que nous chercherons des réponses, que la perception révèlera peut-être son mystère. II. La connaissance du corps
Il semblerait pourtant qu’il soit possible de passer outre, de conjuguer les deux, si l’on veut. Il suffit pour ce faire de considérer dans un premier temps le sensible, c’est-à-dire en définitive le corps, non pas comme un objet mais comme un sujet. Qu’est-ce que cela veut dire ? Mon corps se distingue de la table ou de la lampe parce qu’il est constamment perçu tandis que je peux me détourner d’elles. c’est donc un objet qui ne me quitte pas. Mais dés lors est-ce encore un objet ? On pourrait dire qu’il est comme le fond de toutes mes expériences, une présence inaliénable, l’habitude primordiale qui conditionne toutes les autres. C’est justement parce que je ne peux réellement le considérer comme un objet, qu’il s’oublie, sa permanence, sa familiarité, son évidence le font presque disparaître à ma pensée. « En d’autres termes, j’observe les objets extérieurs avec mon corps, je les manie, je les inspecte, j’en fais le tour, mais quant à mon corps je ne l’observe pas lui-même. Il faudrait pour pouvoir le faire disposer d’un second corps qui lui-même ne serait pas observable. » (1) Je me regarde dans un jeu de miroir, de telle sorte que je vois mon visage parfaitement de profil sans voir mes yeux : il apparaît alors comme un objet, un dehors, l’image de moi-même, comme je pourrais dire à propos d’une photo de famille : « c’est moi là ? ». En revanche si je me regarde droit dans les yeux dans ce même miroir, je ne vois plus une image, je peux toujours me rassurer par une _________________________________________________ (1) Merleau-Ponty,
Phénoménologie de la perception, p107
explication objective et me dire que ce n’est que mon reflet, mais si je m’en tient uniquement à ma sensation je me retrouve face à face avec ma puissance voyante. Pour le montrer il suffit de remarquer que dans l’expérience de profil ou dans l’expérience photographique je visualise mon corps dans une certaine perspective, comme si je me comportait vis à vis d’un objet, tandis que mes yeux résistent à toute perspective. Même si je me tiens de trois-quarts, la tête inclinée vers le haut ou vers le bas, je sentirais toujours cette terrible frontalité de ma vision. Mes yeux ne peuvent se présenter à moi comme un objet car ils sont porteurs de mon regard, de la conscience que j’exerce sur le monde. Au contraire, l’animal a peur de son reflet, il ne s’y reconnaît pas, il fuit… Ce qui montre bien que chez l’homme, la perception ne peut être réduite à un phénomène physiologique, à une interprétation mécaniste du type stimulus - appareil sensoriel – réaction. Elle reste mystérieuse, comme est mystérieux le miroir. Par conséquent, on peut dire que la perception est d’essence réflexive, c’est-à-dire que l’on se voit voyant, l’on se touche touchant, et l’on peut parler de « sensations doubles » : quand je touche ma main gauche avec ma main droite, l’objet main gauche a la singulière propriété de sentir lui aussi. Le corps se surprend lui-même en train d’exercer une fonction de connaissance. C’est finalement comme cela qu’il faudrait reparler de la perception, comme moyen ou fonction de connaissance. Le savoir objectif, on l’a vu, met en doute la perception, car il l’a considère lacunaire et incomplète, si on ne peut se voir entier, par exemple on fera appel à la biologie pour découvrir ce que sont nos yeux, notre cerveau, de magnifiques planches anatomiques seront là pour combler les vides. Mais cette fonction cognitive de la perception se place sur un plan très différent d’une connaissance objective (1), à __________________________________________________ (1)
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, p 384 : « il est
donc essentiel à la chose et au monde de se présenter comme « ouverts »,
de nous renvoyer au delà de leurs manifestations déterminées, de nous
promettre toujours « autre chose à voir ». C’est ce que
l’on exprime quelquefois en disant que la chose et le monde sont mystérieux.
Ils le sont en effet dés que l’on ne se borne pas à leur aspect
objectif et qu’on les replace dans le milieu de la subjectivité. Ils
sont même un mystère absolu qui ne comporte aucun éclaircissement, non
pas par un défaut provisoire de notre connaissance, car alors il
retomberait au rang de simple problème, mais parce qu’il n’est pas de
l’ordre de la pensée objective ou il y a des solutions. Il n’y a rien
à voir au delà de nos horizons, sinon d’autres paysages encore et
d’autres horizons, rien à l’intérieur de la chose, sinon d’autre
choses plus petites. » travers la prise directe qu’elle exerce en permanence sur le monde elle nous immerge dans l’expérience, faisant de nous un pur sujet. Il faut donc entendre ici connaissance comme co – naissance c’est-à-dire naître avec, naître dans les choses, expérimenter. Pour retrouver cette connaissance du corps à travers son champ perceptif il faut rompre notre familiarité avec lui, notre mécanicité et rétablir un monde ouvert, totalement inconnu, , avoir l’audace de dire : « je ne sais rien, je débarque sur une autre planète ». Alors on peut découvrir comment notre perception fait exister devant nous, ou plus exactement avec nous, un monde. On entre dés lors dans un extrême subjectivisme. L’expérience d’un corps « sujet » n’est pas pour autant gratuite et dépourvu de sens, elle peut faire l’objet d’une pratique rationnelle, c’est ce que nous allons voir ensuite à travers une évolution possible de la peinture. |